10 Août 2020
Si EFKA a employé sur Vic sur Seille la population du Saulnois, une autre industrie a drainée les populations du sud Moselle et Meurthe et Moselle entre 1931 et 2001 : BATA
Il y a quatre-vingt dix ans, en lieu et place de l'usine de Bataville, s'étendait un grand marécage, paresseusement lové entre canal et voie ferrée. Il y a une quarantaine d'années à peine, plus de 2000 salariés passaient les portes de l'usine Bata chaque jour, 4 millions de paires de chaussures sortaient de leurs mains chaque année, la section basket du Sporting Club de Bataville jouait en Nationale III et la piscine enregistrait plus de 3000 entrées en 20 jours. Il y a vingt ans, en 2001, l'usine entrait en grève pour protester contre le dépôt de bilan.
Tomas BATA, paternaliste convaincu et adepte du fordisme, l'industriel tchèque avait une ambition toute particulière pour ce nouveau site, et désirait en faire son "laboratoire" en y créant une cité ouvrière parfaite.
Le 3 mars 1930 fut créée à Strasbourg, 1 rue Mercière, la Société Anonyme BATA. En 1931, un bruit se mit à circuler sur le pas des portes, une rumeur qui persista, s'amplifia. Il était question d'implanter une usine dans le canton de Réchicourt-le-Château alors que sévissait le chômage dans le pays. « Pensez 'oir, à c'qui paraît, c'est un Tchèque que veut v'nir, . . . un nommé Bata ! ».
La municipalité de Sarrebourg ayant refusé que l'usine fût montée sur son territoire , on apprit que le choix s'était porté le 23 octobre 1931 sur le domaine de Hellocourt situé en bordure du canal de la Marne-au-Rhin et de la ligne de chemin de fer de Nouvel-Avricourt à Bénestroff, à proximité de la gare de Moussey, de la nationale 4 et du port du canal
L'affaire fut menée rondement. Des bâtiments furent élevés : ceux de l'usine et des maisons individuelles. « De drôles de maisons avec des toits plats, marmonnait-on ! ». Un bureau d'embauchage fut ouvert et on apprit que des jeunes gens seraient envoyés en Tchéquie, à Zlin, en stage, pour apprendre à fabriquer des chaussures : « Georges de Foulcrey, Maurice de Desseling, Camille de Lixheim », et beaucoup d'autres. Dès leur retour, ils étaient nommés « chefs de quelque chose » à l'usine: dans les ateliers, les magasins, sur les chaînes.
C'est ainsi que les premières paires de chaussures sortirent des ateliers le 20 septembre 1932, des chaussures bon marché, à la portée des bourses modestes. Apparurent en même temps les bottes de caoutchouc conférant une aisance de mouvement inconnue avec les sabots de bois qui furent détrônés et abandonnés à jamais.
Au fil des années, l'usine s'agrandit, se fortifie, employant une nombreuse main-d'œuvre puisée dans le canton et au-delà, de sorte que l'on peut affirmer que Bata fut la chance du canton de Réchicourt-le-Château. En 1934, une piscine est construite, la première du département de la Moselle.
Le 3 septembre 1939 l'état de guerre avec l'Allemagne est annoncé. L'effectif de l'usine s'élevait alors à 2734 personnes au travail, 811 logés sur place dans 276 logements et 7 bâtiments pour célibataires (internat). Bataville servit aussitôt de centre d'accueil de transit pour plusieurs centaines de réfugiés, femmes, enfants, vieillards, évacués de la zone frontalière. Des négociations avec la firme L. Marbot et Cie à Neuvic-sur-l'Isle en Dordogne aboutirent à la mise en place d'une usine de repli.
L'usine, avec le personnel disponible, les affectés spéciaux et celui recruté dans la région et en Alsace, entreprit la fabrication de chaussures de cuir et de caoutchouc, de manteaux en tissu caoutchouté, « les ponchos », pour répondre aux demandes des armées. L'armistice marqua la fin des combats. Les jours suivants, un bataillon allemand d'infanterie y tint garnison. L'usine servit de camp de transit de prisonniers pour plusieurs milliers de soldats français et alliés qui campèrent entre les machines parmi les débris de verre, toutes les vitres ayant volé en éclat, les stocks et les matières premières. Au bout d'un mois à six semaines, ils furent transférés en Allemagne.
Après la fin de la guerre, le premier semestre de l'année 1945, direction, cadres et ouvriers de l'usine Bata se mirent aussitôt au travail pour nettoyer, réparer, aménager. Les machines mises à l'abri à Neuvic-sur-l'Isle en 1939 furent ramenées et permirent la remise en état d'un atelier, le premier qui démarra avec 255 personnes qui livra son premier plan de 250 paires de chaussures en cuir le 3 août. Fin 1945, 4 ateliers employaient 1013 personnes.
Grâce à l'énergie de tous, sous la direction sage et éclairée de Jean Prochazka, très rapidement l'usine de Bataville devint la plus importante de celles de l'arrondissement de Sarrebourg avec un potentiel d'emplois de plus de 2 000 personnes. Si l'usine de Hellocourt ne reprit pas la fabrication de chaussures en caoutchouc, les machines ayant été enlevées par les Allemands, elle y installa une tannerie et un vaste magasin pour y entreposer les produits et marchandises Bata de France et d' ailleurs.
Trente bus affrétés par la marque de chaussures venaient chercher, quotidiennement, les ouvriers sur un périmètre de plus de 40 kilomètres. Les bus venaient jusqu'à Vic chercher les employés.
Pendant près de 70 ans la vie du canton ne vivra qu'à travers Bata. Car au delà de la mono- industrie, la société va gérer la vie entière des Batavillois, de la naissance jusqu'à leur mort. Dans cette ville nouvelle qui atteindra jusqu'à 2000 habitants, tous les logements, les équipements, les services, les loisirs (première piscine publique construite dans le département !), les transports, les commerces, les écoles, les lieux de cultes, les clubs sportifs...appartiennent à la société. A tel point que la frontière entre l'entreprise et la vie privée des salariés est quasi inexistante, les problèmes privés sont arbitrés et réglés par la société.
Quelques anecdotes : l'apprenti qui faisait des bêtises le samedi soir en ville était puni le lundi matin lorsqu'il arrivait à l'usine. La femme adultère était sermonnée par son chef (je ne ferai pas de commentaires sur le droit de cuissage...) et parfois virée à cause de son comportement. Les employés qui jouaient au foot avaient une promotion s'ils marquaient des buts...
L'objectif de Bata était double :
Tout d'abord, fournir aux employés de hauts niveaux des services sur place afin de les lier à l'entreprise, qu'il n'aient pas besoin d'aller à l'extérieur pour chercher ce dont ils avaient besoin et de les faire se sentir ainsi redevables. Ensuite, faire en sorte que les employés dépensent leur salaire dans les commerces locaux qui appartiennent tous à la société (du boucher au coiffeur en passant par l'épicier).
Cette totale imbrication entre entreprise et habitants-employés fera de Bataville un modèle de fordisme pendant des décennies, annihilant toute possibilité de conflit social. Ce n'est qu'après mai 68 que les revendications salariales se font jour.
Un atelier décentralisé fut créé à Château -Salins au milieu des années 60.
Un film "bienvenue à Bataville" fut tourné en 2007
Documentaire tourné comme une fiction, le film ne montre pas l’usine et la cité dans leur état d’abandon actuel mais en pleine gloire, telles qu’elles se présentaient dans les décennies prospères de l’après-guerre. Ou plutôt telles que le patron voulait les voir. À la manière d’une parade de cirque, , défilent les témoins de cette histoire trop merveilleuse pour être honnête. Recrutées très jeunes, soumises à des cadences éprouvantes et payées à la tâche, les ouvrières travaillent très dur mais, disent-elles, avec plaisir. Même tonalité nostalgique chez les autres « anciens », qui décrivent un monde juste et tranquille où les efforts étaient récompensés. L’ancien chef du personnel, clé de voûte de cette gestion paternaliste, raconte comment il « huilait » les rapports sociaux – fêtes, fanfares, compétitions sportives – et pourchassait les « mauvais esprits ». Reste au spectateur à tirer les leçons de cette fable grinçante sur un bonheur factice et mortifère.
Curieusement je n'ai pas trouvé de photographie des ateliers en fonctionnement, seulement une vidéo d'avant guerre (lien ci dessous). Si vous en avez merci de les envoyer si vous en avez envie.
Sources : Moussey , histoire Lorraine / guidido.com /site de la ville de Moussey / ...
Visite du site
retrouvez cette visite avec photos en suivant le lien guidido joint
L'usine :
Bâtiments construits à partir de 1932 sur le modèle de l'usine mère de Zlin (Tchéscoslovaquie), érigée entre 1927 et 1932.
Le site à été choisi par le fondateur Tomas Bata principalement pour la proximité des voies de communication, notamment avec l'accès aisé de la Nationale 4, le Canal de la Marne au Rhin et la ligne de chemin de fer Strasbourg – Paris, permettant l'approvisionnement de l'usine et de la cité, ainsi que la distribution de la production.
L'usine à employée jusqu'à 2200 salariés produisant jusqu'à 25000 paires par jour (en 1980-1990, le nombre de salariés était de 1500 pour 17000 paires par jour) pour alimenter 450 magasins en France (environ 150 aujourd'hui).
Le personnel habitait à la cité, dans les internats ou venait de l'extérieur (22 lignes de bus venant d'un rayon de 50km : Dombasle, Dabo, Morhange, Angomont).
Un parking à vélo de 100 places est également visible devant le bâtiment.
L'usine possédait sa propre tannerie ainsi qu'une centrale électrique et thermique, qui alimentait aussi la cité, tenant aussi lieu de chaufferie.
Le but principal de l'usine était de fabriquer des chaussures pour « chausser le monde », mais aussi pour devenir complètement autonome. Il y'avait une menuiserie, une serrurerie et un garage pour les camions.
Eglise
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